Le fameux test de Q.I « Wisc 5 »

Les tests de précocité et le Wisc 5 en particulier sont à présent largement indiqués sinon prescrits aux parents par de nombreux professionnels de l’enfance dans un but d’évaluation de la précocité. Il sont devenus en effet une sorte de passage obligé de l’évaluation de l’enfant. Mais, leur intérêt et leur portée peuvent être parfois limités selon la manière dont ils sont pensés et travaillés, ce qu’ignorent parfois certains prescripteurs tandis qu’ils restent souvent assez mal expliqués aux parents.

 Je vous propose donc une introduction à ces questions.

 Votre enfant à des troubles majeurs de la concentration et de l’attention, vit très mal sa scolarité et les apprentissages « académiques », notamment la répétition. Vous ne comprenez pas qu’il réussisse dans certains secteurs à l’école ou au collège (créativité littéraire, imaginaire débordant…) et échoue fortement dans d’autres (application stricte des consignes…) ? Ceci, tandis que vous le voyez globalement en souffrance dans le champ scolaire ? Votre enfant pose de nombreuses questions métaphysiques complexes et lourdes de sens sous forme de ruminations très envahissantes, se sent profondément décalé dans ses centres d’intérêts qu’il a du mal à partager avec ses pairs (« qu’est-ce que l’amitié, pourquoi y a il plus de vide que de matière, le soleil peut il exploser… »), se passionne pour des domaines assez pointus comme l’astronomie, la mythologie gréco latine ou enfin se montre hyper sensible (exemple : très préoccupé par les questions environnementales, les tensions amicales qu’il rumine…) ?

Si cela perdure et après avoir échangé avec lui, ne vous précipitez pas vers une passation de test, commencez plutôt par une consultation « généraliste » avec son / sa pédiatre ou son médecin référent(e), pour simple avis tiers ou encore un(e) psychologue, un(e) orthophoniste afin de faire un point global permettant de différencier avant tout un problème médical (de vue, d’audition…), d’ordre émotionnel et affectif (exemple un enfant encombré par des soucis familiaux ?) enfin d’attention, de concentration ou de lecture (qui s’épuise nerveusement pour lire par exemple). Ceci afin de ne pas vous tromper de cible et de problématique. Et de donner la parole à votre enfant qui a surtout besoin d’être écouté et entendu. Si vous êtes particulièrement inquiets et que cela dure (plaintes fréquentes d’être incompris, surinvestissement défensif de la connaissance de votre enfant plongé toute la journée dans les livres, multiplication des demandes de rester à la maison, attaques sur le long terme du cadre scolaire par la passivité ou l’agressivité…), vous pouvez également consulter un(e) pédopsychiatre, les délais sont longs mais il vaut bien mieux prendre le temps avec la bonne personne pour proposer à votre enfant un temps qualitatif plutôt que de toquer à la première porte venue pour une passation de test  » à l’aveugle » dont des délais courts à titre d’exemple doivent vous inciter à la prudence je crois.  Votre médecin ou un(e) psychologue peuvent vous accompagner pour obtenir un rendez vous.

 Un conseil, évitez surtout de pathologiser ou de psychiatriser un comportement qui fait potentiellement partie de la construction de l’enfant, (doutes, peurs et angoisses) et possiblement de sa personnalité. Et, de même évitez une passation directe de test non réfléchie qui serait une fausse solution. Votre enfant à surtout besoin dans un premier temps de s’exprimer plutôt qu’être évalué.

 Enfin, restez circonspects et gardez un recul critique face aux nombreuses propositions de tests de centres dits spécialistes de la précocité qui fleurissent depuis quelques années et qui relèvent à mon sens plus du commerce que du soin. Vos enfants en ressortent souvent avec un cortège d’étiquettes et de pathologies collées sur le dos. Ceci, tandis que la validité scientifique même de ces « troubles » autour du Hpi ou associés en augmentation exponentielle ne sont absolument pas l’objet d’un consensus médical, scientifique et épistémologique dans la profession. D’expérience, bien que présentés par ailleurs comme pragmatiques, les résultats annoncés rapides pour ces pathologies connexes traitent la surface et ne résolvent à mon sens pas les enjeux psychiques de fond qui priment et demeurent ensuite non résolus. Le diagnostic constituant la pierre angulaire de ces approches, leur limite est donc souvent intrinsèque.  Ici, il est parfois possible que le test du Wisc 5 serve bien plutôt de prétexte ou de support pour vous proposer ensuite le catalogue des prestations supposées adaptées aux problèmes opportunément « enfin révélés » (exemple caricatural souvent évoqué et proposé comme explication, « chemin faisant » après un test, le TOP : Trouble Oppositionnel avec Provocation). Ce sont donc ces questions que vous devez vous poser.

Ce point polémique que je soulève, souligne, le besoin urgent de régulation sinon de cadrage légal de nos métiers dans lesquels il règne à présent un flou qui désoriente les familles, ceci dans l’intérêt des parents comme des enfants et afin que l’anxiété parentale ne soit pas l’objet d’une convoitise économiquement intéressée et ce jargon pseudo scientifique utilisé pour la justifier. Ce sujet est complexe mais indissociable je pense de « l’écosytème » de la précocité.  Il sème en effet une confusion du fait de la multiplications des cabinets, des centres libéraux dont les formations, les diplômes, les titres parfois farfelus, les visées et les compétences sont très inégales et les valeurs éthiques et déontologiques sont parfois fortement divergentes. Et, du fait de l’utilisation d’internet comme support de publicité par des expert(e)s auto proclamé(e)s ne disposant souvent dans les faits d’aucun diplôme universitaire sérieux sinon un tant soi peu séléctif. Ou, si tel est le cas, pratiquent une auto promotion crée et entretenue par une surexposition médiatique savamment orchestrée dans des lieux et des espaces acquis à leur cause. Factuellement ces expert(es) autos promu(e)s) ne disposent en définitive de très peu sinon d’aucune reconnaissance ou de crédibilité faisant consensus au sein de la grande majorité silencieuse de leurs pairs universitaires et des praticiens de terrain. Ceci participe fortement à créer un flou dangereux je pense entre la précocité réelle ou supposée, le soin, le marketing et la vente sinon l’imposture où, en définitive tous les chemins mènent aux tests sinon à  la médication. On se demande ici où sont passés l’intéret de l’enfant, la pensée, l’éthique et la déontologie tandis qu’il me semble important que les parents soient conscients de ces forts biais possibles afin de faire un choix éclairé.  

Comment se décompose le Wisc V. Quel est son intérêt ?

 Qu’est-ce que l’intelligence : « ce que mesure mon test ». Que mesure votre test : « l’intelligence ». D’emblée la réponse d’Alfred BINET (en 1905) inventeur et créateur du premier de ces tests ensuite remaniés par David WECHSLER nous mène au cœur de notre sujet : le Wisc V mesure essentiellement des champs et des domaines intellectuels socialement valorisés dans une société donnée à un moment donné. L’intelligence est donc ici une représentation de ce qu’est ou pourrait être l’intelligence (un peu comme « le PIB » serait l’indice absolu permettant de mesurer « l’économie  » ou « la richesse » ce qui est en fait limitant…), c’est un choix retenu par les concepteurs du test qui l’expliquent par ailleurs très bien dans leurs préconisations. Il évalue et valorise ainsi particulièrement au 21ème siècle (après de nombreuses versions et évolutions, Wais, Wisc 3,4…), la pensée logico mathématique, les opérations et l’efficacité logique. Et, contrairement à l’idée reçue d’une intelligence « hors sol », il est nettement biaisé par le milieu social et culturel dans lequel évolue l’enfant et ses références intellectuelles. Pour rappel factuel les compétences intellectuelles (il est en effet possible de les « évaluer ») des bébés de 6 mois sont très proches, c’est un fait scientifique avéré mais à 4 ans et demi avec ces mêmes groupes tests d’enfants de milieux très différents, il y a ensuite de véritables gouffres d’un enfant à l’autre, signe que le bain et l’environnement intellectuels et culturels comme « l’entrainement » sont cruciaux.

A titre d’exemple le Wisc V valorise l’intelligence logique qui peut être entrainée dans certains milieux socios culturels parentaux, il n’évalue pas à l’inverse la sensibilité artistique, la sensibilité empathique, la curiosité ou l’esprit pratique et créatif. Un enfant peut ainsi être dit précoce mais sans que ces champs ne soient pour autant abordés dans le test tandis qu’ils constituent à mon sens de fait des données centrales de l’intelligence humaine et relationnelle. Ainsi, un enfant peut être doté d’une grande sensibilité émotionnelle et cela ne sera pas relevé ou peu valorisé par le test, ce qui questionne sur son intéret dans de nombreuses situations et demandes pour lesquelles il n’aurait ainsi pas de sens ni de pertinence selon moi. Ceci, puisque ce sont justement ces enfants avec ces profils rêveurs, métaphysiciens, sensibles et profonds à qui ont le propose dans certains centres comme un diagnostic pensé global tandis que ces champs ne se retrouvent pas spécifiquement dans les tests (qui évaluent par exemple la pensée rapide plutôt que l’introspection ou la réflexion critique qui demandent un temps de qualité). Ici à mon sens, c’est bien plutôt auprès d’un(e) psychologue pour une consultation « de fond » qu’il semble bien plus cohérent de consulter.

 Cinq champs principaux constituent les cinq indices évalués dans le Wisc V : la culture générale (nb. fortement indexée sur le milieu social et culturel de l’enfant), le raisonnement visuo spatial (représentation des objets dans l’espace), la logique pure (induction et déduction logique), la mémoire et enfin l’attention et la concentration. Chaque champ est évalué avec plusieurs sous exercices dit substests qui constituent ensuite un indice avec une note. Ces cinq indices joints (en fait dans le détail exact sept subtests sur dix) forment le fameux Q.I. On parle de précocité si et seulement si ces cinq indices sont forts, n’ont pas d’écart et de dispersion trop importants, sont homogènes et la note globale supérieure à 130. Cette information est cruciale. Pour information, la multiplication des prescriptions de passation de Wisc V a amené une situation injustifiée de parents ou de tiers non psychologues présentant leur enfant comme précoce (tandis qu’il ne connaissent pourtant pas ces points fondamentaux) quand en fait seuls deux indices sur cinq ou quelques substests le sont et la note globale autour de 115 par exemple. Précisons que cette note est elle même comprise dans un intervalle de confiance (entendez de probabilité) que doit vous préciser le/la psychologue :  » la note de 115 de QI est située entre 105 et de 125 avec une probabilité de 90% ». Telle est la formulation précise que mentionne le protocole du Wisc V mais qui est loin d’être appliquée lors de restitutions. Peut être est-ce un biais induit par l’attente des parents ou encore bien d’autres facteurs. Je ne les juge pas simplement, il faut resituer cette hausse disproportionnée des enfants dits précoces dans un raisonnement rationnel et de fond argumenté.

Ainsi s’explique en partie la bulle spéculative et l’inflation des « détections » d’enfants dits précoces qui de fait ne le sont pas mais sont simplement curieux, vifs et doués en logique pure sans que soit précisé que cette note se situe dans un intervalle de confiance estimé et n’est pas un absolu mais très relative. Raison de plus pour ne pas la fétichiser puisque pour rappel le test est fondé sur une réprésentation de l’intelligence et non un asbolu scientifique.

Le Wisc V est toutefois intéressant en ce qu’il permet de comprendre quelles sont les forces et les fragilités d’un enfant dans ces domaines spécifiques qui relèvent essentiellement de la forme d’intelligence valorisée et recherchée par la scolarité supérieure (matières scientifiques…), surtout post bac (rapidité, analyse, déduction…) et l’évaluation de la pensée rapide et efficiente (vs l’introspection et le recul critique). Mais en rien ou très peu concernant l’intelligence relationnelle et emphatique, corporelle d’un enfant par exemple très doué sportivement ou encore d’un enfant créatif ou enfin qui apprécie l’introspection. 

 Ainsi dans ces secteurs évalués on peut déceler un enfant très cultivé qui « bluffe » avec sa culture générale pour masquer son manque d’intuition logique sinon de mémoire immédiate. Un autre enfant peut avoir une mémoire d’éléphant qui retient tout mais passe à coté des procédures de compréhension et de sens et ne fait que répéter sans s’approprier ni penser véritablement. Enfin, un autre peut connaitre de lourds problèmes de concentration qui pénalisent sa performance et son efficience globale alors qu’il est de fait très vif en logique et montre beaucoup d’intuition dans sa capacité à se représenter les objets dans l’espace (puzzle construction en trois dimensions).

 L’intérêt est donc de connaitre les forces et les fragilités d’un enfant mais également les systèmes de compensation qu’il met en place entre ses différents champs intellectuels de compétence. . Mais aussi, et c’est ce pourquoi il est important que le/la professionnel(le) vous livre une interprétation clinique de la passation, un retour sur le rapport de l’enfant avec la difficulté par exemple. Lors du test, tel enfant peut en effet perdre ses moyens et se plaindre de manière fréquente, signe d’immaturité ? Il peut également se montrer hyper combatif et perdre en efficacité en voulant faire une performance à tout prix (désir disproportionné de plaire à ses parents ou à l’examinateur, se prouver quelque chose pour masquer un manque de confiance ?), conteste les énoncés qu’il décrète impossibles, signe d’une difficulté d’acceptation des règles, se précipite et donne une réponse sans réfléchir car il est impulsif. Ou, enfin tel enfant voit la bonne réponse mais ne se fait pas confiance et se laisse envahir par d’autres options fausses. Ces stratégies sont toujours très intéressantes à analyser car elles parlent du rapport de l’enfant au savoir et de sa manière de l’appréhender. De même, afin de pointer des difficultés d’attention et de concentration qui peuvent ensuite faire une indication de suivi par une orthophoniste si elle n’a pas été consultée en amont. C’est aussi une des raisons pour lesquelles la passation et la restitution doivent être réalisées je pense par le/la même professionnel(le) qui reçoit et accueille l’enfant comme un ensemble au sens propre comme figuré. Et non limité simplement aux domaines intellectuels valorisés par le test qui restent en soi comme expliqué d’un point de vue assez restrictifs. Les commentaires en dehors de cette même passation ne sont donc pas toujours pertinents car la vérité de l’éprouvé de l’enfant et de ses réactions s’observent en direct et dans l’instant par un(e) professionnel(le) formé(e) à les observer, les comprendre et les interpréter. Seul les psychologues clinicien(nes) et les neuropsychologues sont formés et spécialistes de cet examen dont les conséquences des interprétations sont possiblement déterminantes pour la compréhension de l’enfant. Ici, un autre bémol me semble important : celui de la projection des adultes prescripteurs de tests qui souvent de ce que j’ai pu en observer depuis 17 ans de pratique est très biaisée sinon faussée car ils sont ou seraient bien souvent eux mêmes diagnostiqués précoces ou apparentés ou encore se représentent comme tels (cf. cadres supérieurs, professions libérales de santé…). Et, projettent bien souvent sans recul leurs propre histoires et leurs vécus sur les enfants estimés concernés auxquels ils s’identifient en leur attribuant a priori et d’emblée des traits qui leurs sont pourtant possiblement étrangers. Ceci, sans recul ni intention de faire à mal au contraire mais bien souvent, contribuant ainsi à l’emballement des prescriptions, des détections et d’un système qui s’auto entretient et sans les bémols nécessaires exposés ici.

Enfin, je vous invite à rester circonspects sur les retours de bilans psychomêtriques présentés par certains neuropsychologues comme des « diagnostics absolus » qui restent à vie car ils font une sorte d’ancrage cognitif qui marque votre représentation de votre enfant. Et, qui parfois (je parle d’expérience), aussi aberrant que cela puisse paraître, pour la partie écrite sont trop souvent de véritables copier / coller d’un enfant à l’autre dont le prénom seul change. Et, dont ce même diagnostic est supposé être en lui même la solution une fois la précocité révélée mais dont les propositions thérapeutiques sont en définitive bien légères sinon confondantes de banalité (« mettez le devant en classe, faites lui faire une chose à la fois, soyez cohérents dans vos demandes à la maison, donnez des consignes claires et factuelles, pointez les erreurs et favorisez l’auto correction »…). 500 euros plus tard, vous voilà bien avancés tandis que vous vous retrouvez avec un enfant « demi précoce ou « apparenté précoce » c’est à dire « un peu précoce mais pas totalement » car évalué à 115 de QI dans 3 items sur 5 ou 3 subtests sur 7 (cf. plus haut dans l’article). Cela n’a pas de sens et peut par ailleurs induire pour vous parents un fort biais de confusion, de compréhension, de représentation et de « lecture » de votre enfant qui lui sera dommageable. Et, qu’il les intègre ensuite ainsi progressivement à son détriment sur le long terme (exemple caricatural : « je suis précoce, je ne suis pas responsable » (immunité diplomatique ?) ou « ton frère est précoce, ce n’est pas de sa faute s’il ne supporte pas les limites que l’on t’impose pourtant à toi sa soeur qui ne l’est pas… »). Votre enfant expliquera-il ainsi dans quelques années à l’instar de notre ancien et à présent fameux secrétaire d’Etat qu’il a une « phobie administrative » (nb. qui l’empêche de faire et de déposer ses déclarations d’impôts…) ? Ceci, tandis que le testeur n’aura vu votre enfant que 4-5 heures en tout et sans service après vente (exemple : « on ne les suit plus après 16 ans… ») pour un examen performance valable  à l’instant T.

A ce sujet de nouveau, questionnez vous : votre interlocuteur est-il autonome et indépendant dans son travail comme dans son positionnement professionnel, sera il / elle présent(e) dans 5 ans pour reprendre ce bilan avec vous (cf. question ici fondamentale de la responsabilité des propos tenus et de l’engagement sur le long terme des praticien(ne)s), est-il /elle soumis(e) à des objectifs de vente par l’entité dans laquelle il exerce, à des rétrocessions d’honoraires destinés à des tiers dont vous ne seriez pas informés, ce qui poserait ici une question centrale d’intégrité (et c’est pourtant de manière stupéfiante à présent une pratique fréquente) ? Des questions tout de même à se poser pour les parents pour un tel examen dit déterminant et puisqu’il est par ailleurs question de confiance et de transparence entre adultes. Les accompagnants et les aidants bénéficiant d’un « capital confiance » à priori auprès des parents, c’est, je pense, ici parfois malheureusement en effet la vénalité la plus triviale qui peut primer bien loin du soin, de l’accompagnement, de l’éthique et de la déontologie. Ce pourquoi je vous invite à la prudence, au questionnement critique ou à faire votre choix de manière éclairée et en connaissance de cause.

Précisons pour conclure que les tests dont le Wisc V ne permettent pas l’évaluation d’un potentiel que l’on garderait à vie contrairement à la manière dont il est souvent présenté. Pour illustration, nombre de cabinets spécialisés proposent de le repasser quelques années plus tard, ce qui est en contradiction avec la notion et la promesse tacite pourtant mise en avant de mesure d’un potentiel absolu entendu comme un possible ou une virtualité « dormante à vie ». 

  Comme vous le comprenez, il y a donc de mon point de vue un écart fort entre d’une part entre l’attente  disproportionnée conférée au Wisc V qui est je crois souvent idéalisé et de l’autre l’intérêt de mesurer via un chiffre temporaire consistant à placer votre enfant dans un rang et relativement aux autres enfants (parfois à la demande de l’école grande prescriptrice qui souvent et de manière très étrange n’a pourtant pas connaissance de ces points exposés ici concernant le test, ou ne dispose pas de de recul critique du fait de l’intense lobbying sous couvert de formation à la précocité dont elle serait l’objet ?). Et, d’autre part la complexité de la personnalité de l’enfant (entendue comme sociale, familiale, culturelle, intellectuelle, corporelle, artistique, empathique, pragmatique…) rencontré qu’on ne peut certainement pas étalonner mais bien plutôt écouter dans sa dimension psychique (éprouvé, ressenti), ce que l’enfant comprend ou interprète, comment il digère et s’approprie ses relations avec les autres, avec lui même, comment il se représente l’avenir, son « devenir grand » sinon adulte…). Ceci, tout en tenant compte par ailleurs du point véritablement problématique crée par ce que je nomme « l’écosystème » de la précocité que j’observe avec prudence et mesure depuis plusieurs années qui alimente une bulle artificielle sans rapport avec la réalité statistique observée depuis 120 ans : 2 à 3% de la population est précoce, ni plus ni moins. Précisons ici que cet environnement et ce maelstrom médiatique et commercial nuisent en définitive fortement à cette minorité de véritables enfants précoces en effet particulièrement fragiles qui se retrouvent noyés dans ce tourbillon. Ces rares enfants réellement précoces sont ainsi d’autant plus difficiles à aider et à accompagner qu’ils sont victimes de projections sociales et sociétables néfastes alimentées par cette bulle médiatique qui ne leur apporte rien, le travail d’accompagnement se faisant en effet dans l’immense majorité des cas dans les cabinets libéraux dans un suivi de fond et de sens, « loin du bruit » des conférences « d’experts » et des plateaux de télévision. Précisons également que toutes les enquêtes sociologiques transversales réalisées confirment une baisse du niveau des connaissances et de culture générale des enfants européens ou enfin de leurs compétences en mathématiques comme en logique depuis 40 ans, de nouveau cela ne peut que contredire ce phénomène de société artificiel je pense crée autour la précocité qui parle bien plutôt de la représentation qu’ont les adultes des et sur les enfants que d’une réalité ou encore d’un saut génétique avéré.  Pour rappel ce thème de « l’enfant prodige » n’est pas nouveau, il était déjà présent au début du 19ème sciècle dans la littérature pseudo scientifique et parle ici de la même manière je crois d’une société en perte de repères sinon fragilisée et dans un besoin contextuel d’idéaliser ses enfants pour se rassurer.

 Ce sont donc à mon sens les points qualitatifs de fond observés lors de la passation qui sont l’objet d’une éventuelle poursuite de travail psychothérapeutique avec l’enfant et qui me semblent surtout intéressants. La mesure et l’évaluation sont une chose mais l’essentiel comme vous l’avez compris relève bien plutôt de l’écoute et de l’accompagnement du vécu et de l’éprouvé de l’enfant. A titre personnel par exemple, j’utilise parfois certains exercices du Wisc V comme support pour échanger et non comme une évaluation mesurée une fois la passation réalisée (par un(e) psychologue tiers) pour ne pas en fausser le résultat. 

A mon sens, pour conclure si urgence il y a, ce serait bien plutôt que la précocité en direction des problématiques d’attention et de concentration qu’il faudrait se focaliser pour aider nos enfants tant les outils numériques mal utilisés et consommés de manière massive génèrent, créent et entretiennent un rapport à la connaissance tronqué, faussé sinon en voie de transformation radicale et aux conséquences particulièrement graves car au détriment de l’esprit critique et de la pensée, conditions essentielles de l’exercice de notre liberté. A titre professionnel, au regard de ce que j’observe dans ma pratique, je pense que nous nous demanderons sincèrement dans 20 ans comment nous avons pu laisser ainsi un tel sujet en jachère et les supports numériques en libre accès aux enfants comme aux adolescents avec les abus et les conséquences importantes que l’on sait. Non pas que ces outils soient mauvais en soi ou doivent être diabolisés mais plutôt en ce qu’ils sont les supports et la porte d’entrée dans les foyers d’entreprises sans limites morales ni éthiques fondées sur le modèle de la captation maximale de l’attention et dont les desseins comme les logiques commerciales sont particulièrement inquiétantes. De la même manière qu’il nous parait absolument insensé à présent que l’on ait eu le droit de fumer dans les salles fermées, les restaurants, les trains ou autres lieux publics il y a quelques dizaines d’années en amont tandis que nous savions les effet délétères du tabac sur la santé et le lobbying intense pour les minimiser. De même, nous savons dès maintenant quels dommages très préoccupants peuvent créer une mauvaise utilisation des outils numériques et l’économie de la captation de l’attention qui l’accompagne (cf. abrutissement par le flux et renforcement de la passivité, banalisation de l’outrance et de la violence, de l’invective et du dénigrement ou de la cabale, crédit donné aux ragots ou autres théories du complot au détriment de la parole scientifique ou argumentée qui demandent un temps long pour être exposées, notations et « avis » délétères sans argumentation de fond ni circonstanciés exposés sur les réseaux sociaux et la place publique numérique…). Le sujet est vaste et sera l’objet d’un article à venir sur ce thème.